lundi 31 mars 2008

Match PSG-Lens

Dans les coulisses de l’enquête

Un informateur anonyme de la place Beauvau, M. Relent Thierry, nous signale le décès la nuit dernière d’un supporter du PSG, dans des conditions à tout le moins étranges.
En effet, cet homme dans la trentaine, connu des services de police, est tombé raide mort au pied de sa mère, quatre-vingt-dix-huit ans aux lilas, avec qui il partageait une camomille avant d’aller se coucher, ainsi qu’il le faisait tous les soirs après Questions pour un champion.

L’autopsie immédiatement effectuée sur place n’a rien laissé suspecter quant au breuvage confectionné, comme il se doit avec amour, par la maman du macchabée. Aucune trace de drogue ni même d’alcool dans le sang. Toutefois la perquisition de la chambre de la victime – qui ne possède pas d’accès privatif et dont la fenêtre était fermée de l’intérieur, indice capital – a laissé les enquêteurs dubitatifs : aucun fanion, aucune écharpe du club, encore moins de banderole haineuse, pas même un exemplaire de France Football ou de l’Équipe, pas de carton usagé de Kro, pas le moindre plan touristique de Lens ; en revanche la collection complète des Tout l’Univers, la récente édition des Aveux de Saint Augustin, un ordinateur ouvert sur une recherche Googool à « développement durable » et un paquet de Pailles d’or à peine entamé.
- « C’est louche », conclut aussi sec l’inspecteur Grasset immédiatement sur les lieux du drame (qui profite de l’occasion pour démentir tout lien de parenté avec l’éditeur de sinistre mémoire), en rallumant son shilum qui avait bien du mal à tirer ce matin, pensa-t-il vaguement songeur. Il se fit monter une Seize-saucisson-beurre et poursuivit son investigation psychologique : malgré un interrogatoire ferme mais courtois, la mère n’avoua rien avant d’être aussitôt conduite en salle de réanimation, toutes sirènes hurlantes.


Ce n’est que bien plus tard, en rentrant chez lui alléché par l’odeur du bœuf-carottes, qu’il pensa à voix haute :
- Mais bon sang c’est bien sûr, Madame Grassouillet…
- Grasset, mon bon Jules.
- …Le coup de la camomille, la collec complète des Tout l’Univers, Saint Glinglin et je ne sais plus quoi, jamais un supporter du PSG, même parmi les plus madrés, n’y aurait pensé, tu penses ! Nous étions à deux doigts de frôler l’erreur judiciaire, Madame Grossette !
Et, renfilant ses pantoufles, l’inspecteur Magret doit retourner au pas de loi place Beauvau :
- Messieurs, un pas de plus et nous versions dans la bavure, s’exclama-t-il en pénétrant la salle de jeu de la brigade territoriale. Libérez notre gugusse, il est innocent !
- Innocent, commissaire ? Mais pourtant, sa mère est passée aux aveux !
- Tut ! Tut ! Tut ! Innocent, vous dis-je, les gars. Il n’est pas plus supporter du PSG que vous et moi.
- Moi si, maugréa discrètement Larondel.
- Oui, mais toi t’es qu’un con, lui asséna direct le commissaire Grasset.
- Ah oui ! Rétorqua Larondel, en sortant son carnet à spirales. Et ça, c’est-y pas des aveux ? Je cite la vioque : « sam… Lens ! Sam… Lens ! » Bien sûr, avec tous les chicots dont on venait de la débarrasser, la pauvre vieille, elle avait du mal à articuler, mais quand même… C’est clair comme de l’eau de Roc : « Samedi, nous étions à Lens ! » Et elle a signé. Alors, j’suis t-y tocard ? trembla-t-il tout énervé.
- Calme-toi, crétin de la Butte ! « Sam Lens »… « Ca-me-lance ! » qu’elle te disait la vieille, vu que t’avais les deux pouces enfoncés dans ses orbites oculaires, espèce de con sanguin. Et « ça me lance » ça prouve pas que son rejeton était supporter du PSG. Donc, on relâche le fiston fissa. Et on reprend depuis le commencement. On a des témoins ?
- Un certain Rakozy, chef.
- La filière yougo, à tous les coups, songea en son for intérieur le commissaire Grosset, soudain pensif. Il retira sur sa pipe à eau afin de s’éclaircir les idées, laissant ses subordonnées balayer toutes les pistes, selon sa méthode éprouvée.
- Moi, la ramena Larondel dilaté par la chiquenaude bassement psychologique de son responsable hiérarchique, je parierais plutôt sur les Albanais. Avec un blaze pareil…
Le commissaire se roula lentement un dernier tarpé et prit sa décision :
- OK, convoquez-moi ce guignol des Carpates.
- « Tout de suite, chef » répondit en chœur la brigade, en remballant la banderole assassine au rayon des pièces à conviction. « Et sa gonzesse aussi ? une Rital…»
- De mieux en mieux. Qu’est-ce qu’elle fait dans la vie ?
- Artiste ! Rirent comme un seul homme toute la brigade ressoudée autour de son chef.
- Je vois le genre ! Ce coup-ci, on le tient, notre supporter du PSG, les enfants…
Retrouvant Madame Gradouble dans son douillet chez-lui, « Voilà ce qu’on peut appeler une enquête grassement menée » conclut dans un sourire béat le commissaire Graillon, cherchant sa paille qu’il avait posée là pas plus tard qu’il y a cinq dernières minutes.
Quant à notre indicateur anonyme, la rédaction de Curieux Marins Phrases vous prie de croire qu’elle se passera désormais de ses services, avec des tuyaux pareils ! et transmet son dossier à l’IGPN, où nous nous flattons de ne pas avoir que des ennemis.

Albert Grinouiche

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