mardi 25 mars 2008

Epistolairement vôtre

Lettres d’Armorique

La révélation des origines bretonnes de l’Empereur nous a valu des sacs de courriers électroniques. Nous en avons extirpé quelques-uns au hasard, fussent-ils en notre défaveur. Ici plus qu’ailleurs, la liberté d’expression prime !
Nous signalons à nos nombreux lecteurs que certaines de ces missives nous sont arrivées dans un idiome inconnu, guttural, parfois illisible et souvent taché d’un liquide collant. Qu’on nous pardonne une traduction hâtive et parfois hasardeuse.

M. le directeur de publication,
M. le Surintendant (2005-2007) a l’honneur de vous informer qu’il ne souhaite pas être associé plus avant à vos travaux historiques comme vous avez cru bon de le faire à propos de, je cite : « Napoléon était breton, révélation. » Vous comprendrez, j’en suis sûr, qu’il a d’autres rats à fouetter et que le rétablissement du prestige de l’État l’occupe à plein temps, le restant de ses loisirs étant entièrement consacré au rétablissement de la vérité, son temps de repos étant dédié aux Muses (éd. Gallimard). Cependant soucieux de la liberté d’expression si rudement acquise par d’héroïques Français, il espère que votre patriotisme économique saura vous ramener promptement à la raison et vous donne cent jours pour retirer son nom du comité scientifique consacré aux études de, je cite, « la geste mabaléonienne ».
Espérant avoir été parfaitement compris,
Je vous prie, etc.
Général Larondel, secrétariat particulier de Son Altesse De Beloizeau de Vilpinte

Messieurs de Naoned,
Il est facile de se gausser de Mabaléon quand, pour tout vestige de l’épopée impériale, l’on doit se contenter, pauvres Nantais que vous êtes ! du seul Cambronne, piètre ganache mal embouchée à la figure plus constellée de boutons qu’une carte de l’Europe l’est des victoires de nos Grognards. Emblème peu ragoûtant de la hideur de vos âmes mesquines (vos âmes pareilles au cours éponyme qui défigure votre triste cité derrière ses hautes grilles de terreur bourgeoise), Cambronne-le-Nantais comme on dirait Cambronne-la-honte, Cambronne-le-malpoli, Cambronne-l’épouseur-d’Anglaise, voilà votre seule part au butin de gloire de notre Mabaléon. Attendez un peu qu’un autre Corse se lève après la sieste de l’Histoire, craignez fort qu’il n’entraîne en son sillage les quatre et cinq évêchés du Gwenn ha du et je vous le prédits, poussières ligériennes, nous vous ferons ravaler votre morgue par le nez d’où elle s’écoule ! Que vienne Mabaléon IV et qu’enfin nous vous rayions de la carte, vous et votre égoût comblé, Nantes la rénégate, ingrate capitale de nos ducs de Bretagne… Ah ! Ah ! Ah !
Je ne vous salue pas.
À bon entendeur, salut.
Pr Patrick Poivré-Celte
Ancien doyen de la faculté des Langues gutturales de Plombeur-Tralalahouzec

Cher monsieur le rédacteur en chef,
Je ne sais comment vous le dire, alors je vous le dis toute nue : merci ! Mille fois merci ! Jamais joie ne m’avait prise avec tant de feu depuis la lecture des exploits de Bertrand Du Guesclin. Il y avait donc un autre héros de notre vaillante terre de Bretagne ! J’en suis encore toute mouillée tant il pleut du bonheur sur ma peau si blanche, si rougissante et si brûlante de pouvoir à nouveau espérer. Puis-je espérer ? Vous trouverez ci-joint scellée dans une seconde enveloppe mon adresse. Je vous la donne avec foi, je veux croire que vous n’aurez pas la cruauté d’en rester là. Oh oui ! Dites m’en plus et plus encore ! Je vous attends bientôt, venez vite, je vous suis toute offerte, pénétrez mon esprit cher rédacteur en chef, susurrez-moi vos mots savants, pétrissez de vos mains expertes l’élève frémissante d’apprendre, titillez le résumé en bas de page… (La rédaction qui découvre en même temps que vous cette lettre décide illico d’en suspendre ici la publication pour des raisons relatives à la loi du16 juillet 1949 de protection de la jeunesse).
Éphélide Kersapole, 12, venelle des Grands-Gaillards, 29069 Port-Moulu (36 15 Éphélide – 0,73€ / min.)

Mon sieur,
Que le gars Mabaléon ait été breton n’ébaubira que les jean-foutre de la capitale. Révélation, que vous dites ? Barat’ de journalis’ ! Ici tout le monde sait c’t’affaire depuis l’temps jadis, seulement voilà, à c’t’heure des siècles de mauvaiseté jacobine nous ont fermé la goule, tout juste bons qu’on est à faire la Bécassine dans le XIVe ou à nous aller faire trouilloter la panse aux grand’ guerres. Pauv’ Poncallec, pauv’ m’sieur l’marquis ! L’a ben été décollé pour rien ! Faut pas croire que la goutte nous ait bouchonné not’ lucidité, à nous aut’ d’ici. Napoléon était breton, cochon qui s’en dédit ! Notez qu’on lui en veut pas d’avoir été né natif de Corse, Corse ou Breton, c’est comme Basque, la même misère. D’ailleurs, vot’ maréchaussée ne fait point la différence, tout le monde dans le même casier et hop ! les pinces à l’air… On aura beau dire et médire, du temps de Fouché qu’était breton n’en déplaise aux pèlerins du sud Loire, les provinces étaient autrement respectées, y’avait pas de FR 3 qui tienne, pour sûr fallait pas y raconter des fariboles dans le poste. Pareil pour m’sieur Marcellin, y savait tenir son monde c’t’homme-là. C’était d’la race, comme qui dirait du label rouge ! C’est pour ça qu’ici on l’aime ben not’ Mabaléon, il nous rendait la fierté tout déguenillés qu’on est, avec lui on avait point de vergogne à marcher sans chausses par tout’ l’Europe, foutue garce ! Allons, j’quitte là rapport à ce que j’dois aller refaire de l’encre avant qu’le lisier y soit tout sec. Mais j’en ai encore assez pour vous l’dire, à vous aut’ gars de Paris : quand vous rappliquez avec fumelle et marmaille aux moissons, songez-y, bon Diou ! Vous posez vot’ séant dans l’même gwemon qu’l’Empereur ! Comme quoi un cul d’Breton vaut ben un trouducul d’Parigot !!!
Josselin de Ronflans-Chapot, 14e duc du nom, gouverneur de Bretagne

Madame, Monsieur,
Il ne vous aura pas échappé que si Napoléon était né un an plus tôt, il eut été Italien, Mamma Letizia ne se serait pas fait reluire par le Marbeuf et serait gentiment en train de nous préparer un plat de spaghetti dont elle aurait le secret… Napo et ses frères auraient joué les vitelloni à Capri, La France aurait échappé aux uhlans et aux cosaques sur le pont d’Iéna en 1815, Louis-Napoléon serait resté un grand nigaud de chevrier dans le maquis, partant point de défaite de Sedan, point de traité de Versailles, point d’annexion de l’Alsace et de la Lorraine, point de Grande guerre, point de Gueules cassées… Et donc point de traité de Versailles bis, point de ligne Maginot, point de grande vadrouille en 40… Adolf serait aujourd’hui un peintre injustement oublié, autant dire que le Maréchal aurait tapé le carton avec le Général au mess de la maison de retraite des Invalides, Mitterrand aurait été VRP chez l’Oréal, il n’y aurait pas de rue de Solférino, Jospin serait encore chez Lambert, Ségolène la ramènerait pas à table quand son homme parle, si bien qu’on aurait peut-être pas à se fader le nain dans la culotte d’une Italienne vaguement vocalisante. Alors, vos histoires de Napoléon breton, laissez-moi doucement rigoler…
Je sais ce que vous allez me dire : le peuple corse descend des Celto-Ligures. La belle affaire ! Est-ce qu’on vous demande si Tino Rossi était de Paimpol ?
Un Auvergnat excédé

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Lecteur assidu de votre blog, je tiens à vous dire que le courrier des lecteurs y est sensationnel. le meilleur de tous !

Nicolas, de Paris