mardi 24 juin 2008

Garage Rochard (Suite)

Un psy nous écrit


" La rage du gars Rochard "






« Là, quand ? »

Telle est la demande angoissée, adressée aux télécommunications par le père Rochard, garagiste à Saint Jean de Boiseau.

Cette question nous semble exprimer, non seulement une quête de reconnaissance d’être, mais, aussi et surtout, un doute profond sur sa propre essence. S’adressant à l’absent, incarné par un exaspérant répondeur téléphonique, la demande pénètre, d’emblée, sur une voie de garage. C’est donc bien la question essentielle de la « bejahung »
[1] et de la réparation qu’elle implique, que pose le symptôme de la « rage Rochard ».

Voilà pourquoi la théorie d’un frégolisme post-oedipien me semble anecdotique et ne présente, dans ce cas caractérisé de fiel coulé, que peu d’intérêt scientifique.

L’occupation de la place d’un père ou de celle d’un fils importe peu dans les énoncés des différents appels téléphoniques. Leur pratique du parking
[2] engage, d’ailleurs, les thérapeutes à croire en la parole d’un fils dans le troisième enregistrement. Rien ne l’atteste, bien sûr, mais rien ne prouve non plus l’inverse, et « visser vers çà ». Le frégolisme automobile ne tient pas la route…

Père-fils ? Fils-père ?
A vrai dire, le répondeur n’en a cure.Faisons de même, et tenons, tout simplement, le père Rochard pour un sujet divisé.

« Pater incertus est »
Telle a toujours été la formule fondatrice de la paternité, exigeant une désignation.L’enregistrement trois en est l’illustration : « En qualité de fils… enfin le père… on dit toujours le père ». Le label qualité Rochard est avant tout dit, visé, par un supposé fils imbibé de l’égo du père. L’alibi d’eau (le père- y- est, pétillant) semble être son principal moteur !

Activée par la fonction P (piston), l’angoisse se manifeste, dans chaque scène, par une mécanique mise en branle par la place vide, selon une formule récurrente : « Si vous n’êtes pas là à huit heures, vous dégagez ! » C’est en faisant le vide du vide qu’il nous indique clairement combien il est plein. Serait-il en « manque de manque » comme l’aurait supposé « Là, quand ? »
[3]

Dans le même registre, sa principale plainte, expression d’impuissance (ou d’une panne de la communication), porte sur les accidents qu’il dit ne pas « pouvoir avoir ». Ayant fait le plein, il s’est, pourtant, mis dans les meilleures conditions pour réaliser cet acte manqué ! Ainsi, peut-on comprendre ses débordements, et leur agressivité, aux Racines de la tragédie d’« Œdipe » : « tout autre qu’un répondeur l’eût éprouvée sur l’heure », induisant les théoriciens en erreur !

Si les vapeurs en suspension dans l’air ont inspiré ces théories d’un frégolisme post-alcotest, c’est, qu’à l’évidence, elles leur sont passées accidentellement sous le nez. Aussi, utiliserons-nous un instrument d’analyse aseptisé, outil fétiche aussi bien des garagistes que des « Là-quand ?-niés » : la clé à mots-lettres.

Citons, à ce propos, ce qui nous a été enseigné, à propos de la détermination que chacun reçoit des signifiants : «Le répondeur téléphonique peut accompagner un patient jusqu’à la limite extatique du « tu es cela » où se révèle à lui, le chiffre de sa destinée accidentelle »
[4].
Bien qu’il ne le soit guère, patient, accompagnons le père Rochard jusqu’à la révélation de sa parole pleine :

Sur le modèle des séquences de « la lettre volée » de Pot
[5], commentée par « Là, quand ? », reprenons prudemment la circulation inconsciente de ces chevaux vapeurs que sont les signifiants sexuels centrés sur l’analité et qui traduisent, en l’occurrence, ici, une lettre violée :

1) -ça va bombarder… mais dur… hein ?
-vous ramassez votre merdier !
-votre matériel, vous vous le collez au cul !

2) -branchement merdique
-ça sera bille en tête…
-mais ça va mal se mettre !

3) -mais méfiez-vous du père !
-si le père s’emmanche après vous,
-ça va aller mal

4) -encore un autre coup !
-ras les couilles
-plein le cul

L’enfilade des signifiants nous permet une interprétation sans appel : ne s’agit-il pas de la projection de la terreur inconsciente d’un fils sidéré par l’attraction-répulsion qu’il éprouve pour l’acte sodomite du père ? « Horreur d’une jouissance ignorée »
[6] ? Probablement. Une simple manivelle peut lancer le moteur à explosion verbale !

Au terme de cette étude délicate, un point mérite d’être éclairci : Pot parle d’un « autre lieu », Freud, d’une « autre scène », Rochard, d’un « autre garage », pour évoquer les ténèbres de l’inconscient. Pour éclairer ces lieux, aucun auteur n’a pensé au rayon de la pulsion scopique. Rochard, pourtant aveuglé par son propos, ne cesse de « le faire voir » : « Vous voyez ce que je veux dire ? ».

Or, après une minutieuse enquête de terrain, nous avons appris que le lieu d’où émane l’appel est, très probablement, le bistrot qui se trouve en contiguité métonymique avec le garage : « le chat qui guette ». Une étude linguistique des liens associatifs entre signifiants contaminés (contes à minets !), s’impose ici : voyeur au « chat qui guette », Rochard tente d’en avoir l’r. Or, Cofratel lui pompant (l’r), il commence à en manquer (d’r). Le nom du Père Rochard, refoulé dans l’inconscient devient « rochat ». Pas fou malgré tout, le matou qui mate et se graisse la patte en facturant un travail dont il dit lui-même qu’il n’en a pas vu la couleur ! Ni vu, ni connu ! C’est ce que laisse entendre la plainte du rochat qui guette sa proie, en faisant le plein !

En conclusion, il appert que les pulsions orales, anales ou scopiques ont toutes, pour but, chez cet impatient Rochard, de se sustenter à la tétine de l’affirmation primaire.

A la fin de l’enregistrement téléphonique, la clé à mots-lettres fait apparaître un terme extatique, concaténation signifiante d’un désir homosexuel avec un désir de maternage : « Je pars chez ma tante ! »
Ce signifiant ne chiffre-t-il pas, là, sa destinée vers une opportune vie d’ange ?

C’est une autre de ces hypothèses qui font du cas Rochard un emboîtement pré-oedipiens de poupées russes, quasi dostoievskiennes !Pour conclure, nous pensons avoir démontré combien la théorie du frégolisme post-oedipien est anecdotique, confrontée à celle de la quête d’affirmation primaire. C’est pourquoi, nous terminerons par une parole de l’Evangile selon Saint Mathieu :

« Le Rochard a son bistrot
Le chat qui guette, un nid.
Mais le fils de l’homme, lui, n’a pas
où reposer sa quête »
[7]

Docteur du Pont-Gar


Saint-Jean-de-Boiseau, le 12 06 2008


[1] Affirmation primaire
[2] Appelé aussi « packing »
[3] Congrès de l’école freudienne de Paris –Strasbourg 1974
[4] Là,quand ? « Les cris » p100 Seuil…
[5] Edgar Pot (Editions des échappements libres)
[6] Freud « L’homme aux rats » PUF
[7] Cette citation, de mémoire, subit, en partie, les outrages du temps

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourquoi pas.

Cependant la fin de votre analyse est dénuée de sens car le pere Rochard dit "Je pars chez MATRA" et non chez "Ma TANTE" comme vous semblez le penser/l'entendre.
En effet, la société MATRA est le concurrent de la société COFRATEL, c'est pourquoi le père Rochard juge bon d'effrayer son fournisseur quant à la possibilité de changer de prestataire.

Cette erreur met en avant une écoute bien peu attentive des propos réels et réduit d'autant la crédibilité de votre analyse...

Anonyme a dit…

Pourquoi pas.

Cependant la fin de votre analyse est dénuée de sens car le pere Rochard dit "Je pars chez MATRA" et non chez "Ma TANTE" comme vous semblez le penser/l'entendre.
En effet, la société MATRA est le concurrent de la société COFRATEL, c'est pourquoi le père Rochard juge bon d'effrayer son fournisseur quant à la possibilité de changer de prestataire.

Cette erreur met en avant une écoute bien peu attentive des propos réels et réduit d'autant la crédibilité de votre analyse...

FDP